fuyez pauvres fous (hiyori)

Depuis l'ouverture du Vortex, ce soir, Poussin est sur les tables, accrochée aux barres de métal, glissant sensuellement son corps dessus, elle danse. Le fruit défendu, le charme ravageur, c'est son élément et personne ne l'enchaîne. Roulant du derrière, parfois ses hauts talons écrasent des doigts qui essayent de toucher la marchandise mais, ce n'est pas permis, ce n'est pas son job. Ici, elle domine la piste et aucun homme n'a le droit d'y monter. Ils doivent rester à leur place. La dévorer du regard. Car elle est belle. Frêle mais si intimidante.

Sa petite taille agrandie par douze centimètres d'escarpins, elle est dans un micro-short noir en cuir qui laisse entrevoir une part de ses fesses. Le haut, c'est une brassière de la même matière qui possède trois ouvertures sur le devant, reliées par des chaînettes. Ses longs cheveux sont attachés en une queue haute, lui retombant sur les épaules. Elle est maquillée, séduisante, sensuelle, puissante. Au rythme des musiques, elle se déhanche, elle est dans son élément, Hiyori laisse place à Poussin, son nom est tabou ici pour éviter les ennuis. Elle n'aime pas les clients collants, elle est la seule qui choisit qui doit connaître son prénom, son nom, son intimité.

Les heures défilent, les danses s'ensuivent et après une dernière, elle descend des tables pour se diriger vers sa loge. Pour souffler un moment avant de reprendre. Elle tape dans la main d'une autre gogo-danseuse qui la remplace, l'encourage puis disparaît dans le couloir réservé au personnel. Loin des clients, elle soupire et pousse la porte de sa petite pièce. Cette dernière contient plusieurs tenues, une bonne trentaine, toutes accrochées par un cintre, soigneusement entretenues. Il y a des chaises, un long miroir et le matériel de maquillage même si, ce n'est pas elle qui s'en occupe.  Il y a aussi une cabine d'essayage, avec un rideau et dans le coin, un petit frigo. Elle s'y dirige pour sortir une bouteille d'eau et ensuite s'asseoir. Pour boire une gorgée puis, attraper sa serviette et s'éponger la nuque.

Le calme. Elle apprécie, mais il est de courte durée. Quelqu'un s'introduit dans sa loge, sans toquer et referme la porte, s'y plaquant pour écouter ce qu'il se passe de l'autre côté. Elle hausse un sourcil. Qu'est-ce que ce gusse vient faire ici ? Son visage ne lui est pas inconnu mais, elle ignore pourquoi. Elle a trop de choses à penser pour se souvenir de tout le monde. Croisant ses jambes, elle fronce à présent des sourcils, lui jette un mauvais regard. Il est louche, il lui a dit de se taire. C'est mal la connaître, elle ne cesse jamais de piailler. Il aurait eu plus de chance si elle n'avait pas été là.

« Donnes-moi une seule bonne raison de ne pas appeler le videur. »

Il n'est pas un membre de l'équipe donc c'est certainement un client qui n'a pas sa place ici. Et elle n'est pas assez tendre pour le laisser prendre ses aises tranquillement dans son domaine. Non. C'est lui qui vient de gâcher sa pause durement méritée. Il a intérêt à tourner dix fois sa langue dans sa bouche pour qu'elle daigne ne pas le flanquer dehors elle-même. Parce que si Hiyori est colérique, Poussin l'est tout autant.  

« Je te préviens : Je crie fort alors n'essayes pas la force brute. »

Simple avertissement, elle a la gentillesse de le faire.
 

Le poltron se retourne, elle plisse le regard et le fixe sans détourner les yeux. Son air ahuri lui rappelle quelque chose, peut-être est-il déjà venu, sûrement plus d'une fois sinon elle ne se souviendrait pas de sa tête. Selon les goûts de la princesse qu'elle représente en ce moment, il est assez mignon mais il lui manque dix centimètres pour être à sa hauteur. Il ne l'effraie pas d'un centimètre. Et il ne répond pas à sa question, il bégaye. C'est mignon ça aussi. Elle a presque envie de le laisser partir sans être méchante. Parce qu'elle n'est pas foncièrement mauvaise Poussin, elle a juste un visage toujours colérique et un sang un peu trop chaud.

Il la tutoie une nouvelle fois. Il lui ordonne encore et s'approche. Ses sourcils se froncent. S'il pose la main sur elle, il perd. Elle est prête à lui envoyer un coup de pied en plein dans le but s'il effleure sa peau. Sa jambe qui se plie vers l'arrière s'arrête. Heureusement, son avertissement muet semble être entendu car il s'interrompt dans son avancée. Il n'est pas suicidaire, le mâle. Il reconnaît sa soumission. Ses beaux yeux verts d'eau fixent la porte d'entrée, elle entend des sons de pas, sûrement que le videur va vouloir entrer pour vérifier que tout est en ordre. Sûrement qu'elle détient son sort au creux de ses lèvres. A lui de gagner son salut. Et c'est mal parti.

« Forcément que tu connais mon nom, il est inscrit sur la porte. »

Poussin penche sa tête sur le côté, ses cheveux suivent le mouvement, elle lui jette un regard pas convaincu. Elle est septique, c'est trop simple de dire qu'il la connaît, qu'il vient pour elle, qu'il l'adore. Les femmes ont besoin d'être courtisées. Poussin a besoin de savoir qu'elle plaît et que ce n'est pas que du flan. Parce que parmi toutes les danseuses, elle est sûrement celle qui a le moins de poitrine. Alors qu'il la fixe, chose qui n'arrive pas souvent la met un peu mal à l'aise. Il pourrait au moins être plus discret.

« Et qu'est-ce-que tu lui trouves à Poussin ? Si ce n'est son décolleté ravageur ? »

Poussin quitte sa chaise, s'élève sur ses hauts talons, fins comme des aiguilles et marche en direction de la porte. Sa main se pose sur la poignée, elle suspend son geste, attend et bascule sa tête en arrière en attendant. Alors ? Un dernier compliment avant de finir dehors ?