CARACTERE
Si Madeline savait parler – elle dirait sans doute qu'elle n'est que l'ombre d'une poupée.
Elle ne la quitte jamais, sa Clémence ; siégeant dans le creux de ses étreintes, l'impératrice de chiffon ouvre toute grande sa bouche cousue – à tous les maux de son pantin de chair et d'os. Madeline n'a ni la prestance de coton, ni la verve de laine – de son ego fantoche. C'est Clémence qui la fait danser, tirant les fils de son inconsistance ; c'est elle qui la berce le soir, lui murmurant à l'oreille de méchants mots d'amour – imbécile ! tu n'existes même pas ; c'est vrai que Madeline existe à peine – pour une ombre, exister, ça ne se fait pas.
Clémence la poupée dit tout ce que Madeline n'ose pas penser ; bonjour, merci, au revoir ; même je t'aime, quelques fois ; des mots indignes des jouets. Clémence se charge de la vie ; Madeline endosse le silence dans une complaisance qui lui sied.
Madeline est un mirage au crochet de Clémence ; l'impersonnel versant d'une mascarade vieillotte, qu'on oublie de remarquer, par gentillesse ou vraie pitié. Sa vanité est digne d'exposition ; on ne l'entend même plus être au monde.
Madeline est l'ombre de sa poupée ; mais il n'y a rien de plus à dire des spectres en retrait.
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> Ventriloque.
> C'est Clémence qui parle, beaucoup, parfois. Son accent français est plutôt marqué.
> En dehors du travail, elles aiment beaucoup lire et jardiner.
> Madeline a toujours un peu de mal avec la technologie, mais elles possèdent tout de même un portable. Elles ont des goûts un peu désuets.
> Amatrices de thé et d'objets anciens.
> Karénine le chien et Clémence se disputent parfois.
> Karénine a beaucoup trop d'énergie pour Madeline.
> Madeline prie tous les jours et se rend le dimanche à l’Église. Clémence trouve qu'elle est inutilement dévote, mais l'accompagne quand même à la messe (bien obligé).
> Elles vivent de bonheurs simples. Clémence s'ennuie un peu.
> Clémence, en vérité n'est pas très gentille avec Madeline.
> Madeline ne dit jamais rien.
PHYSIQUE
Madeline a la beauté d'un jouet cassé –
Une blondeur de coton sagement relevée, des yeux de vair qui ne regardent rien, des sourires en céramique ; visage de porcelaine figé, joliment éteint, comme si on avait oublié de peindre ses joues d'un peu de rose. Une mollesse de statue affaissée – avec le temps, son maintien s'est fissuré. Clémence s'est appropriée tout l'éclat.
> 1m63
> Se tient légèrement voûtée
> Jupes longues, chemisiers sages, pulls en laine ou cardigans ; et toujours un châle sur les épaules. Parfois un chapeau.
> Très peu de bijoux, mais porte une croix autour du cou.
> Clémence porte quant à elle de jolies petites robes pimpantes, cousues par les soins de Madeline.
HISTOIRE
Clémence et Angélique étaient inséparables.
Clémence, un brun fulgurante, allait toujours aux devants des ombres, comme une éclipse solaire ; Angélique, c'était la face cachée de la lune – toujours submergée par l'indulgente vague dentelée des jupons maternels. Son aînée n'avait que quelques secondes de plus qu'elle – mais pour sa cadette, Clémence méritait toute la place du ciel. Angélique se suffisait des bas fonds cotonneux ; elle était satisfaite de n'être qu'un reflet. Au fond, c'est peut-être pour cela que Clémence lui en voulait terriblement – elle haïssait sa sœur, parce que, contrairement à elle – Angélique brillait sans éclat.
C'est comme cela qu'elles s'aimaient toutes les deux – Clémence chérissait sa petite sœur à grands cris rageurs, en donnant des coups de pied dans les tables de l'atelier ; Angélique admirait son aînée en silence, avec omission.
Un jour, Clémence a disparu.
Elle avait oublié dans sa chambre une poupée de chiffon, pas bien gracieuse, aux finissions assez grossières – mais elle riait exactement comme son ancienne propriétaire.
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> Angélique est née en Provence. Elle vient d'une illustre lignée de mages artisans spécialisés dans la confection de jouets et de poupées.
> Angélique est la benjamine d'une famille de sept enfants. Sa jumelle, Clémence, est née juste avant elle.
> Les talents d'Angélique font la fierté de ses parents, qui envisagent de lui léguer leur commerce.
> Un jour, Clémence a disparu.
> A vrai dire, les jouets n'intéressent plus grand-monde de nos jours, mis à part quelques touristes. Les parents d'Angélique ont vieilli, ils sont en maison de retraite. La propriété familiale est immense.
> Un jour de fête de la Saint-Jean, Angélique rencontre un beau jeune homme ; il porte des lunettes de soleil. Il est américain. Il la fait danser gentiment – « viens me voir au Canada ! ». Angélique ne connaît que son prénom.
> Un mois plus tard, elle vend la maison de ses parents et plie bagage.
> Bien sûr, et comme depuis dix ans – Clémence l'accompagne dans son voyage.
> Cela ne fait pas longtemps que Madeline s'est installée à Revelstoke, et qu'elle a ouvert sa boutique de jouets.