Everybody was kung fu fighting.❞ (balthy)

L'été. Une période que je n'avais jamais particulièrement apprécié notamment à cause de la chaleur à laquelle je ne me faisais jamais, mais aussi à cause de l'ennui mortel qui suivait le début des vacances scolaires. Les clubs n'opéraient plus d'activité, les Spellmans souvent en vacances aux quatre coins de l'Amérique, et mon père confiné dans son bureau à préparer ses cours pour les deux matières qu'il enseignait. En bon adolescent, je compensais donc cet ennui mortel par un surplus de sommeil aux seules heures où la température était acceptable, c'est à dire n'en émergeant qu'aux alentours de midi pour commencer à pouvoir fonctionner comme un être humain acceptable aux alentours de treize heures. Ce matin-là n'aurait pas été bien différent, si je n'avais pas entendu la voix rauque de Dante traverser la porte de ma chambre.

BALTHAZAR! LA PORTE!

Je répondais d'un grognement renfrogné, avant de lentement trouver la force de prendre appui sur mes deux jambes. Même avec les rideaux fermés, la lumière qui passait à travers le fin voilage blanc suffisait à éblouir mes yeux encore endormi. Qu'elle heure pouvait-il bien être? Je me contentais donc de fixer le sol, tâtonnant à la recherche de mes chaussons que j'enfilais rapidement. Quelques pas plus tard, j'avais attrapé le premier haut que mon armoire avait à me proposé et l'avait gauchement enfilé sur le chemin vers l'entrée.

J'avais clairement ma tête des mauvais jours quand j'ai ouvert la porte sur la silhouette si vivante et dynamique de Delia qui te tarda pas à me prendre dans ses bras. Encore dans la brume du pays de Morphée, je réalisais seulement maintenant que les soeurs Spellmans retraient en effet de vacances à cette période de l'année.

Delia?

Je passais machinalement une main dans mes cheveux hisurtes, comme pour activer mes neurones ensommeillés, tandis que l'autre l'invitais à rentrer dans le salon. La clim' tournait assez fort pour qu'on sente la vague de chaleur de l'extérieur lentement faire monter la température de la pièce, et autant rester au frais à cette période de l'année.

Damn, j'suis désolé j'viens de me lever. Hm. Tu veux un jus d'orange? Un verre d'eau? Il est quelle heure même?

Je scrutais avec attention la grande horloge en bois du salon pour découvrir avec horreur que les coups de dix heures étaient bien avancé. Dire que je voulais me lever plus tôt pour faire une potion de pousse ce matin, c'était pas gagné. Enfin, foutu pour foutu, je passais chercher deux verre et de quoi nous désaltérer à la cuisine et m'asseyais à la table du séjour.

Désolé pour l'état où je te reçois... La chaleur tout ça, tu sais.

Je justifiais maladroitement mon comportement entre deux gorgées de jus d'orange, mes prunelles évitant soigneusement les siennes. Qu'importe à quel point nous étions proches, c'était un peu gênant. Mais dans cette tentative de fuite, c'est sur son sac de sport que je se posa mon regard.

Laisse-moi deviner, tu m'as proposé de venir à la salle y a deux heures et je me suis pas pointé, c'est ça? Hm... Si tu veux toujours y aller, laisse-moi 10 minutes, le temps que je me prépare, je vais faire vite... Tu me racontera tes vacances sur le chemin?

Oui vas y, je t’attends !

A peine avait-elle commencé à marqué son approbation que je m'étais déjà levé pour ne pas lui faire perdre plus de temps. Je me sentais déjà bien assez coupable de ne pas avoir donné de signe de vie plus tôt. Il fallait que je me douche -j'étais encore couvert de transpiration d'avoir passé une dizaine d'heure dans la chaleur de mes draps-, me brosse les dents, me coiffe, m'habille, prépare mes affaires de rechange... Et tout ça en le moins de temps possible pour ne pas faire attendre la petite rousse qui m'attendait déjà depuis trop longtemps. J'étais déjà trop concentré dans les tâches qui m'attendaient, en chemin vers la salle de bain, quand Cordelia me rappela à la réalité.

Mais… Balthy, mange un truc quand même.

Je m'arrêtais bêtement en plein mouvement, réalisant que je ne pouvais définitivement pas me lancer dans un entraînement avec elle sans avoir prit au moins un semblant de petit-déjeuné. Je grommelais un merci avant de faire demi-tour pour avaler une tartine de beurre de cacahuète et de confiture. J'aurai bien proposé de préparer des pancakes et de les partager ensemble devant la télé, mais vu l'heure, ça ne nous aurait pas laissé beaucoup de temps pour le dojo.

Je fis au plus vite pour me préparer dans les meilleurs délai, de tel sorte que je ne pris pas grand soin de mon accoutrement. De toute façon, un survet' reste un survet', je n'allais pas m'échauffer en chemise et en jean de toute façon. Et qu'importait ce que je portais pour rentrer, au final, je doutais que nous nous éternisions bien longtemps dehors avec la chaleur. Je ne prenais de temps que pour réarranger ma crinière désordonnée à coup de gel. Il y avait quand même une limite à ce que je pouvais accepter.

Dévalant rapidement les escaliers qui menaient au salon, je trouvais alors Delia en pleine discussion avec mon père que je ne me gênais pas d'interrompre. Je savais que ça ferrait fuir Dante, et c'était aussi un peu le but de la manoeuvre.

Désolé pour l'attente. On y va quand tu veux!

J'étais super prêt, sac de sport sur le dos, les muscles enfin éveillé grâce à l'eau froide sous laquelle je m'étais nettoyé, mais Delia ajouta un petit détail qui me fit rapidement repasser par ma chambre : la rivière. Ni une ni deux, je grimpais chercher mon maillot et retournais rejoindre mon amie pour le départ, le vrai cette fois.

A peine sortis, je regrettais de ne pas avoir prit mes lunettes de soleil avec moi, et me contentais de faire face à cet astre brillant avec une moue désapprobatrice. Pour éviter la chaleur et les rayons éblouissant, je me décalais lentement vers les façades des maisons pour profiter de l'ombre qu'elles jetaient sur la voie.

Alors, New York? C'était comment? Et Boston? Vous avez eu le temps de profiter j'espère!

J'étais pas vraiment sûr de comment lancer la conversation. Je ne connaissais que le New York des blockbuster américains, n'ayant que peu eu l'occasion de sortir de Revelstoke bien longtemps. J'espérais ne pas être trop ennuyeux dans mes questions que je savais bien trop générale, mais ma curiosité restait sincère.

Assez le temps de profiter pour me ramener un cadeau?

Je riais de mon propre ajout, pour bien emphaser son caractère humoristique. Pourtant, je me raidissais tout de même un peu, ne pouvant m'empêcher de me demander si elle l’interpréterai bien de cette façon.

Delia me fixa quelques secondes avec surprise, avant de se mettre à fouiller dans son sac. "Oublié de te le donner", lui avait-elle dit. Il y avait vraiment quelque chose? Tout à coup, je me sentais vraiment mal à l'aise. Ma précédente question sonnait tout à coup comme une demande, et c'était super mal poli. Mes joues s'en teintaient même légèrement de rose à l'idée d'avoir été si incorrect.

J-je plaisantais Delia, pas besoin de-

Mais déjà la rousse me tendait son paquet, tout emballé dans un papier bleu marine. C'était une image assez agréable à regarder, pour être honnête, et c'est donc avec la plus grande douceur comme de peur de briser cette vision, que j'attrapais son souvenir. L'emballage suivait la pression que mes doigts y appliquaient, révélant un contenant assez mou que je n'osais pas encore découvrir. En pleine rue, ce n'était pas le moment.

Merci beaucoup Delia. Tu remercieras aussi Olivia de ma part, ok?

Je préférais écouter mon amie d'enfance me relater ses expériences états-uniennes pendant que nous nous approchions du dojo, un regard bienveillant suivant avec attention le moindre mot s'échappant de sa bouche. Nous continuions ainsi gaiment notre conversation, jusqu'à arriver à destination.

Et c'est rapidement que nos pas nous menèrent devant les locaux de notre club, rendu anormalement calme par l'arrivée de l'été. On n'entendait guère que les plus forcenés du groupe adultes continuer leur entraînement dans la salle principale, mais nous avions le hall d'entrée pour nous tout seul. Je profitais donc de ce petit moment de calme pour poser mes affaires sur un banc et déballer le présent que les Spellman m'avaient ramenés à côté d'une poubelle.

Dans l'emballage dont je me débarrassais rapidement, un t-shirt blanc dont l'inscription en lettre capitale surplombait une illustration d'un fameux yellow cab indiquait "I survived my trip to New York City". Un sourire idiot illumina mon visage face à un tel choix. C'était en effet le seul moyen que je survive à un tel séjour, que de le vivre par procuration au traver des souvenirs de ceux qui me sont cher.

Il est super, Delia. J'adore!

M'excalais-je en dépliant le vêtement face à moi. Cela dit... Il était un peu grand, non? Par rapport à la taille de ceux que je portais, il avait l'air au moins deux fois aussi large. Telle que je la connaissais, Delia allait se sentir coupable si elle s'en rendait compte. Ma première idée fut donc de le replier rapidement pour ne pas qu'elle s'en aperçoive, mais la différence de taille était tellement énorme qu'elle avait déjà dû se rendre compte du problème. Une seule solution : lui montrer que ça me plaisait quand même. Parce qu'au final, son attention était ce qui me faisait le plus plaisir.

Sans plus attendre, j'enlevais mon haut pour le remplacer par celui de Delia, rentrant un maximum de tissu excédentaire dans mon pantalon, donnant un effet blousant pas désagréable au vêtement.

Parfait!

Conclus-je en pliant mes affaires pour leur trouver une place dans mon sac à dos, entre mon change et mon maillot.

Avec ça, je suis fin prêt pour m'y mettre. Et toi?

Je mimais quelques coups de poing en me dirigeant dans la salle. Les adultes terminaient leur échauffement de fin de séance. Faut dire qu'on était plus si loin de la pose midi. On n'aurait peut-être qu'un court moment pour le sport à proprement dit, mais je comptais bien en profiter au maximum.

C'est drôle comme un été à glander peut suffire à faire perdre la forme. Je me sentais rouillé à chaque mouvement, et la pratique ne faisait que le confirmer. Ma main avait tapé le tatamis bien trop souvent sur une si courte session, et la dernière prise de Cordelia me plaqua une bonne fois pour toute contre le sol du dojo. La rousse me surplombait avec une aisance peu habituelle, ses quelques mèches rebelles caressant mon visage fatigué, et avant qu'elle ne me libère, je pris un petit temps pour contempler son expression. Etais-ce un brin de fierté dans ses yeux pour qu'ils semblent aussi pétillant aujourd'hui? Ou étais-je juste impressionné par la façon dont elle m'avait dominé tout du long de la séance? Jusqu'à présent, nous avions pourtant toujours eu un niveau relativement équivalent.

Whaa, c'était épuisant… Mais merci Balthy

Ca t'as pas empêché de me dominer tout du long…

Répondis-je avec un rire gêné en me redressant mollement. Elle était déjà debout, se désaltérant pour reprendre des forces après l'entraînement, rayonnante comme toujours. Assis en tailleur, je reprenais mon souffle avant de la rejoindre au niveau de nos affaires. Entre la chaleur et l'effort, j'étais tout simplement en nage, et je profitais d'être un peu plus loin pour discrètement essuyer un peu de sueur de mon front en acceptant sa proposition.

Bref passage au vestiaire pour enfiler une chemise à manche courte sur mon bas de maillot, après être passé rapidement par les douches et je réapparaissais dans le hall avec ma crinière encore un peu humide mais débarrassé de toute trace des efforts de l'entraînement. Delia ne tarda pas à me rejoindre, vêtue d'une robe à fleur et d'un sourire éclatant. Je ne pu me retenir de penser que la tenue lui allait à ravir, mais me retenais de lui en faire part. Ca me semblait déplacé de ma part. Alors je me contentais de la suivre quand elle passais la porte du dojo.  

Sous le soleil de l'été, nous marchions d'un pas lent mais enthousiaste. J'avais pourtant hâte d'arriver à la rivière, depuis que le doute s'était installé dans mon esprit : est-ce que j'avais bien prit la crème solaire? Malgré notre conversation, j'avais du mal à sortir cette interrogation de ma tête.

Sérieusement, qu'est ce qu'il t'es arrivé à New York pour que tu me retournes comme ça? Ca t'amuse d'écraser mon petit égo d'homme fragile, hein?

Comme souvent, j'avais tendance à blaguer sur le sujet. J'imagine que c'est ce qu'on gagne à avoir grandi principalement entouré de filles. Entre les Spellmans, Eugénie, Heather, et ma cousine, j'avais toujours été en minorité, et avait fini par assimiler les blagues sur les mecs que peuvent faire les filles à cette âge-là.

Prépares-toi à ce que j'essaye de me venger quand j'en aurai l'occasion, je vais pas laisser ça passer très longtemps.

Ajoutais-je en plaisantant alors que nous arrivions au niveau de la rivière. A peine posé, je me hâtais de déposer mes affaires au sol et y constatais silencieusement l'absence de crème solaire. Seul mon expression pendant que je me débarrassais de mon haut transparaissait. Enfin, tant pis. Je n'allais pas gâcher une après-midi avec Delia pour si peu. Puis faire trempette devrait suffire à me mettre de meilleure humeur. Je veux dire, l'eau était littéralement mon élément, hein? Et c'était peut-être le moment idéal pour prendre ma revanche.

Cordelia, avait, à sa façon, toujours les mots que je rêvais d'entendre entre ses lèvres. C'était pour cette raison que jusqu'à ce moment, je l'avais toujours considérée comme ma meilleure amie, celle à qui je pouvais toujours me confier, que ça soit à propos de mes sentiments ou de mes craintes. Elle était cette présence familière, cette vision rassurante qui avait si longtemps été à mes côtés que j'avais en quelque sorte assimilé bien égoïstement l'idée qu'elle y serait toujours. Me répétant doucement ses dernières paroles dans ma tête, un demi-sourire sur le visage, je menais la rouquine sur cette autre rive de la Columbian River, en amont de l'endroit où Théo avait prit sa dernière baignade. Depuis le temps, c'était devenu tellement naturel, que mes pas évitaient l'endroit sans même vraiment s'en rendre compte.

L'un comme l'autre ne tardions pas à nous séparer d'une partie de notre tenue pour dévoiler notre parure de bain : un bermuda couleur menthe et accent blanc pour ma part, et un une pièce immaculé pour Delia, révélant une bonne partie de la peau de son dos. Un fait qui semblait l'embêter d'une certaine manière, puisqu'elle me tendit un tube de crème solaire pour que je l'étale sur la partie exposée. Elle avait été, semble-t-il, bien plus précautionneuse que moi. Ou avait peut-être elle eu plus de temps pour préparer ses plans pour l'après-midi et son sac que j'en avais eu. C'est ce qu'on gagne à faire les choses à la va vite et sans préparation… Certains excellaient peut-être dans ce genre d'improvisations, mais de mon côté, c'était comme impossible de réussir à penser à tout ce qu'il faut sans planifier la tâche à l'avance.

Sans y donner plus de réflexion, je me saisis donc du pot de crème et l'étalais sur mes mains avant de venir l'appliquer sur le dos de mon amie. On avait fait ce geste tellement souvent pendant notre enfance qu'il me semblait tout naturel de faire glisser mes doigts le long de sa colonne vertébrale et jusqu'à sa clavicule, esquissant un mouvement de massage entre son cou et ses trapèzes pour m'assurer de l'absorbation du produit.  Il ne fallait pas lésiner avec ça, surtout avec sa peau fragile. Une seconde couche de produit, un petit coup sur ses épaules, et je la laissais filler. Il lui faudrait plus de temps que moi pour s'habituer à la température de l'eau, temps que je prenais pour me tartiner à la vas vite de lotion solaire aux endroits stratégique.

Une fois prêt à affronter les UV, Delia n'en n'était qu'à quelques pas dans la rivière, l'air pensive. Elle semblait ailleurs, et définitivement pas prête pour une petite surprise à ma sauce. D'un pas discret, je m'approchais de la rivière, et me laissais rapidement me liquéfier une fois assez près de l'eau. Ni vu ni connu, je me mariais au courant et épousais les vagues. C'était une sensation particulière, que de revêtir la forme de l'eau. Sans notion de "soi", sans réelle vision ou son qui puisse me parvenir. Juste des sensations, celle des molécules qui m'entourent, bougeant d'une façon moins fluide, au contact des cuisses de Delia qui s'avancent dans l'eau. Je nageais à contre courant, pour m'approcher de sa présence. Et à la façon dont tremblait les vague, j'imaginais qu'elle avait dû dire quelque chose. Probablement qu'elle avait remarqué mon absence, enfin, l'absence de mon apparence habituelle.

De l'orientation de l'onde sonore qui avait traversé le milieu aqueux, j'en déduis rapidement son orientation, et me plaçait en conséquence pour une surprise qui ferait office de vengeance. Juste derrière elle, je repris rapidement ma forme humaine. D'abord sous la forme d'un grand amoncellement d'eau, puis progressivement redevenant solide pour l'enlacer au dessus de sa taille, et poser mon menton sur son épaule.

Au début, je rigolais. C'était un rire sincère, celui d'un enfant qui se réjouit bêtement de sa connerie, d'entendre le cri surpris de sa victime. Pourtant, alors que j'enlaçais une énième fois le corps fragile de celle avec qui j'avais grandi, que ma peau touchais son maillot humide et mon visage sa peau grelottante, je réalisais pour la première fois que peut-être, les amis d'enfance que nous étions n'avaient plus rien d'enfants. Que celle qui se tenait si tendue dans mes bras s'apprêtait à devenir une femme, et que je n'étais moi-même bien avancé dans l'adolescence. Etais-ce mal de continuer à agir si innocemment avec elle, quand je n'aurai jamais osé m'adonner à tant de proximité avec une autre?  Etais-ce acceptable de blottir mon visage entre ses mèches, quand je trouvais si déplacé de voir certain de mes camarades s'approcher autant de lycéennes de leur âge sur la seule base de leur propre attirance? N'étais-ce pas hypocrite de ma par, de penser que ce n'était pas la même chose, parce que c'était Delia? Qu'on était différent, parce qu'on se connaissait depuis si longtemps?

Je crois que la teinte rosée de mes joues apparu en même temps que la raideur dans mes muscles. Devrais-je la lâcher, et m'excuser? Ou prétendre que tout était normal, continuer à agir sans tenir compte des reproches que je venais de m'adresser?

Je t'ai fait peur? Hein?

Sans bouger, mais sans cacher l'embarras dans ma voix, je cherchais les mots qui auraient dû me venir si naturellement quelques minutes auparavant. Je laissais juste glisser mes mains un peu plus bas, pour ne pas sentir sa poitrine frôler mon avant-bras. Qu'on s'entende bien là-dessus, je ne suis pas du genre à perdre mon sang-froid pour une paire de sein. Mais j'en venais doucement à réaliser que malgré mes doutes sur ma légitimité à agir de la sorte, j'aimais sentir ses mèches sur mon visage et le contacte de sa peau contre la mienne. Et un petit instant, je voulais m'autoriser à en profiter égoïstement.

Ca ne faisait que rendre la fin de notre étreinte plus gênante, j'imagine. Après ces quelques secondes de silence qui semblaient s'être perdue à un endroit où elles n'avaient rien à faire. Un laps de temps suffisant pour que ma peau reprendre sa teinte habituelle, pour que je trouve quelque chose à dire mettre fin à ce moment que je trouvais étrangement malaisant.

Tu comptes rentrer où il faut que je te pousse dans la rivière, hm?

Finis-je par menacer en l'éclaboussant de quelques particules d'eau venant de mes doigts que j'agitais dans sa direction.

Le spectre de la sensation de sa peau restait un instant figé sur la mienne quand je lâchais prise, pour qu'elle se laisse immédiatement couler dans le lac. C'était si soudain, que je pris un pas de recul pour retrouver sa silhouette sous l'eau, m'attendant à ce qu'elle prenne sa revanche. Pourtant, il ne se passa rien. Rien de plus que la longue remontée de bulle à la surface à chaque fois qu'elle soufflait pour prolonger un peu plus son expérience sous-marine. Je ne pu m'empêcher de me demander si mon attitude un peu trop tactile était la raison de l'allongement de son apnée. Probablement pas, hein? Ce n'était pas notre première accolade, après tout. Et celle-ci n'avait rien de différent, si ce n'est mes pensées inhabituelles. Je ne pouvais qu'être que le seul à me laisser si bêtement chambouler par quelques idées mal venues.

Quand sa longue chevelure rosée refit surface, quand elle posa son regard sur mon visage confus, je me convaincu de faire comme si de rien était. A la voir se réjouir de la sorte, m'éclabousser comme nous l'avions toujours fait et partir innocemment à quelques brasse, je me disais que c'était idiot de ma part de penser que nous devrions arrêter d'agir comme nous l'avions toujours fait. Qu'est ce qui nous empêcher de continuer, après tout ? Si ce n'est ce léger malaise de ma part, qui avait enfin cessé de la voir comme une enfant ?

Je me laissais tomber à mon tour, espérant que la fraîcheur du liquide dans lequel je trempais suffise à me remettre les idées en place. La tête immergée, je profitais du manque d'oxygène pour faire le vide dans ma tête, et au moment où je refaisais surface, un peu plus proche de mon amie, j'étais à peu près certain d'être à nouveau sain d'esprit. A nouveau un simple moment de relaxation entre amis, un beau jour d'été avant que la rentrée ne nous accapare tout notre temps et bonne humeur.

Ahh, j'arrive pas à croire que les vacances sont presque terminée

Je soufflais avec une pointe de frustration avant de me laisser aller en planche comme le faisait Delia, à contempler bêtement les nuages. Sa présence m'avait définitivement manquée, pendant les congés.

C'est drôle comme ça a passé si vite et si lentement en même temps, tu vois ce que je veux dire?

Parfois, j'étais confus par l'écoulement du temps, et les moment où je me confrontais à ces paradoxes me mettaient toujours d'une humeur mélancolique. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, ça serait déjà Mabon et sa soupe de courges annonçant le début de l'automne. Incroyable de se dire que ce n'était que dans un moins, alors que le soleil brillait si fort dans le ciel bleu aujourd'hui encore.

Dis, Delia?

Attends, qu'est ce que je suis en train de faire? J'ai comme l'impression d'être déjà lancé dans quelque chose auquel je ne suis pas prêt. Que ma langue a déjà articulé la suite, que les phrases sont toutes prêtes à être envoyées directement depuis mon cerveau. Mais définitivement, je ne suis pas d'accord pour ça.

Ca te dit, qu'on aille ensemble à Mabon? Si tu n'as pas encore de cavalier, je veux dire…

Je sens l'eau qui s'agite quand elle se redresse, les vaguelettes de son mouvement qui submerge une partie de mon visage puis se retire, dansant sur ma peau quelques secondes pendant lesquelles je n'ose plus bouger, paralysé par les scénarios qui défilent dans ma tête. Comment réagit-elle en ce moment? Je me le demandes bien. Je l'imagine les sourcils foncés, se demandant ce qui peut bien me passer par la tête pour lui faire une telle demande. Puis je revois la même scène, mais avec un regard plus condescendant, et  une autre fois ou elle me répond joyeusement qu'elle serait ravi qu'on y aille avec Eugénie et Olivia, ou même qu'elle a déjà prévu son rendez-vous avec quelqu'un.

Passé un bref silence, sa première déclaration rayé déjà quelques une de mes idées. Elle n'attendais pas à ce qu'on lui proposer d'aller à Mabon. A priori, bonne nouvelle, qui se confirme quand elle termine sa phrase. Je n'ai pas encore tourné la tête, mais j'ai déjà assez clairement l'image de ses doigts qui viennent peigner le bas de sa chevelure rien qu'à l’intonation de sa voix. Et honnêtement, je me sens sur le point de la liquéfaction quand je la vois sourire comme elle le fait, les lèvres traversant son visage, et ses joues teintées par sa joie de vivre.

S-super alors.

C'est nul, comme réponse, mais c'est tout ce que j'ai trouvé pour éviter le "vraiment?" qui correspond plus à mon état d'esprit. Et d'une certaine manière, je commence à paniquer. J'aurai probablement pas dû faire ça, j'aurai dû réfléchir une demi seconde avant de parler, parce que maintenant, ça allait être un peu bizarre de discuter. Si j'avais pris le temps d'y penser, je me serai vite rendu compte qu'il aurait été bien plus simple de prétendre à une demande plus casuelle en se séparant, plutôt que de poser ça comme je l'avais fait, à un mois de l’événement alors que personne ne se soucis encore d'avec qui ils se rendront au bal.

J’ai un peu froid Balthy, ça te dis on sort un moment ?

Bien sûr!

Sans plus tarder, je rejoins le bord de l'eau, espérant naïvement que ne plus me laisser emporter par le mouvement de l'eau suffise à effacer ce qui me prend à l'estomac. Mais même sur la terre ferme, la sensation ne disparaît pas, et au fond de moi, je suis bien trop conscient que ce qui m'agite est loin d'un mal de mer.

Le soleil est agréable, une fois refroidi par les courants du lac. Les pieds dans l'herbe, je prend mon temps avant d'aller chercher ma serviette de bain, et préfère l'étendre sur le rivage que de m'y emmitoufler comme on y est habitué à Revelstoke. Allongé sur le dos, les bras écartés, je profite un instant de ces plaisant moment estivaux. D'ici quelques années, c'est probablement avec nostalgie que je songerais à ce moment... tout du moins si le bal se passait bien. Et il n'y avait pas de raison qu'il se passe mal, hein? Après tout, je savais me tenir. On y allait entre pote. Pas de lézard. Et même si ma prise de conscience pouvait me perturber aujourd'hui, elle se dissiperait probablement avec le temps, devenant un élément de ma vie quotidienne avec les jours. C'était ce que je pensais à cet instant, en tout cas.

Ahh, je regrette de pas avoir préparé un petit pic-nique rapide. Ca aurait été super agréable de déjeuner ici.

Me relevant pour m'appuyer sur les coudes, j'observais l'étendue de terre déserte autours de nous, me disant que ça aurait été l'endroit idéal. Pas de bruit, sauf le chant des grillons. Enfin, vu l'heure à laquelle je m'étais levé, ça aurait été compliqué de préparer quoi que ça soit avant de partir sans trop écourter l'entraînement. Ce qui était tout de même le but de la visite de mon amie, après tout.

J'aurai presque envie d'aller chercher des sandwich à la superette. Quoi que... Je sais pas s'ils sont pas fermé cette semaine, avec les congés estivaux.

Un bref soupire s'échappa de mes lèvres, réalisant qu'il allait falloir renoncer à ce repas au soleil. Mais rien ne me forçais à renoncer à le passer avec Delia, cela dit.

Sinon, pancakes, lait et céréales chez moi? Du genre un petit déjeuné à midi dans le canapé comme avant, tranquille devant Netflix?

Oui, comme avant. Faisons ça pour l'instant. C'était sûrement plus simple de trouver un nouvel équilibre en tombant dans la nostalgie de l'époque ou aucune question ne se posait vraiment sur le sujet, après tout. Comme si de rien n'était.

@Cordelia Spellman