Où tu voudras, charmante fille ; où tu iras, je te suivrai. Ft Maimiti

Cela fait un moment que tu n’as plus peur de dormir dans la chambre d’Az. Qu’il n’y a plus l’appréhension au creux du ventre quand tu mets tes vêtements de nuit ni quand tu t’allonges dans ses draps beaucoup trop doux. Plus aucune hésitation au moment de fermer tes paupières en tournant ton dos au côté de ton fiancé.

Il ne t’a jamais touché et ne le fera que quand le mariage sera prononcé pour un héritier. Jamais pour autre chose. C’est une réalité dont tu as conscience, terriblement conscience. Cela te laissait un goût amer en bouche au début, maintenant trop habituer à ce goût tu n’y fais plus attention. C’est un fait. Aussi simple que ça.

Cette nuit n’aurait pas dû changer des autres nuits. Il n’était certes pas là au moment de se mettre aux lits, mais ce n’est pas quelque chose d’inhabituel. Vous avez tous les deux vos vies, vos obligations, vos jardins secrets, vos mondes. En tout cas c’est ce que tu t’es dit en rejoignant Morphée presque aussitôt ta tête poser sur l’oreiller. Tout est bien trop confortable pour toi.

Tu l’as plus senti qu’autre chose quand il est arrivé. Le mouvement de matelas a eu raison de ton sommeil, mais c’est plus un réflexe qu’autre chose. Il n’y a qu’à les garder fermés et tout va bien se passer. Le sommeil va revenir. En tout cas tu le pensais, avant d’entendre ses mots et de le sentir de prendre dans ses bras.

Ta respiration fait un arrêt et ton corps entier se tend. Jamais il ne t’a pris dans ses bras, pas comme ça. Jamais. Ton cerveau est encore endormi et ses mots semblent s’embrouiller, comme s’il ne voulait pas les comprendre. Plutôt qu’il les comprend de travers. Tu n’as pas encore tes masques aussi proches du réveil, aucune barrière derrière laquelle se protéger, rien. Alors c’est comme si tu sombrais sans rien pouvoir faire d’un seul coup.

Tu te noies dans cette incompréhension et la panique qui monte dans ta gorge. Il n’est que gentil et doux avec toi et pourtant tu ne comprends pas. Ça n’est pas lui. Est-ce qu’on a pris sa place ? Est-ce que tu as fait une erreur qui veut dire que bientôt tu ne seras plus là ? A-t-il un nouvel animal de compagnie et que c’est son adieu à lui ?

Aucune idée, mais ton corps se rappel à toi pour prendre une gorgée d’air. C’est comme si tu buvais la tasse avec simplement de l’air. Est-ce qu’on peut se noyer sans eau ? N’est-ce pas ironique si une ondine comme toi meurt ainsi ?

– Ha ?

Ta bouche s’est ouverte toute seule. C’est sorti sans que tu le contrôles. C’est ce bout de phrase qui te fait reprendre un bout-de-pied. Tu calmes ton souffle alors qu’incertaine tu touches ses bras comme pour voir si c’est réel. Peut-être que tu rêves encore. Cela te fait avoir un bout de rire jaune à cette pensée.

– Il faut que je me rendorme peut-être pour que tu dises ce dont tu as besoin ?

Ta voix est remplie d’ironie et quelque part tu t’en veux de ne pas être plus douce. Tout serait si simple si vous étiez proche. Tout serait plus simple si vos vies avaient été autres. Tout serait plus simple, mais la vie n’est pas simple.

Tu aurais pu être acide. Tu aurais pu lui dire des mots remplis d’ironie sur votre situation. Tu aurais pu cracher tout ça pour ne pas penser à tes sentiments qui bouillent en toi pour lui que tu recouvres allégrement avec ton déni. Tu aurais parfaitement pu juste faire comme si tout ce qui vous arrive est normal. Comme si ce n’était pas grave. Comme s’il te suffisait de te rallonger à côté de lui en tapotant le lit pour simplement passer à autre chose comme si tout était normal.

Tu aurais pu tout ça et bien plus encore.

Choisir n’importe quelle option possible pour vous deux aurait été totalement possible, mais l’eau s’est jouée de la partie. Il a beau avoir essuyer ses larmes, l’avoir caché, avoir mis son masque de distance, tu restes une Ondine et on ne te l’a fait pas. Maintenant que le sommeil est plus loin et que tu te relèves pour faire attention à ton fiancé tu ressens le passage de l’eau dans ses yeux.

Ça te retourne le cœur bien plus que ce que tu aurais voulu.

C’est comme si un ouragan venait de naître dans ton ventre et cœur. Az ne pleure pas. Jamais. Pas devant témoin. Pas sans être certain que personne ne peut le voir. Pas en étant parfaitement certain que tu es loin pour voir cette faiblesse. C’est un fait que tu sais, un non dit entre vous, comme tes doutes à toi que tu lui caches le plus possible. Une évidence silencieuse.

Là ça hurle et c’est presque douloureux.

Tu es là à le regarder en silence. Il te demande si tu as eu peur. Il s’excuse même et ça fait que les émotions se bloquent dans ta gorge. Tout a un goût doux-amer. Combien de fois souhaitais-tu des excuses pour ses actes ou plutôt ceux de sa famille sans rien dire ? Beaucoup trop et là tu as l’impression que ses mots sont ceux qu’un enfant qui a fait un cauchemar et qui a besoin des bras aimant de ses parents pour l’effacer, mais qui s’excuse de les priver de leur sommeil pour lui-même pouvoir dormir.

Il n’a jamais été aussi fragile devant toi.

Une part de toi te dit que tu pourrais le détruire là maintenant. Que tu pourrais te venger de ta vie entière ! Que tu pourrais lui faire une liste de toutes tes peurs reliée à lui pour lui montrer de comment rien ne va entre vous deux et que ce soir n’est rien par rapport à tout le temps. Rien ne t’empêche de faire ça et d’avoir un micro victoire.

Rien, sauf ton cœur.

Sans un mot tu t’approches lui et le fixe longuement. Avec une lenteur infinie comme si tu avais peur de le voir fuir avec ton geste, comme s’il était un animal sauvage que tu tentes de toucher sans être mordu, tu mets ta main sur sa joue. Ton pouce caresse doucement sa joue gauche, juste sous sa cicatrice à l’œil.

Il n’a pas besoin de ta colère ce soir.

Tu ne sais pas ce qui lui arrive, mais tu es trop lié à lui pour faire quelque chose qui le briserait aussi facilement. Alors sans y réfléchir tu le prends contre toi pour une étreinte, un câlin complètement conscient. Tes bras autour de sa taille alors que tu mets ta tête dans son cou. Tu ne sais pas ce qui te pousse à faire ça, mais s’il a besoin de tes bras pour ne plus avoir l’air au bord du gouffre tu les lui offriras.

Tu es un parfait animal de compagnie après tout.