out of my league (ayden)

C'était un de ces jours où vraiment, j'avais juste besoin d'un peu de calme et de me poser dans un coin tranquille. Après les cours du lundi, le gymnase restait toujours vide un bon moment, et cet endroit familier était idéal pour me reposer l'esprit. Il s'était passé un peu trop de choses récemment,  avec Delia entre autre, et bien que je déteste l'idée de l'admettre, il restait quand même un peu de malaise après les événements de Mabon. Assez pour que je ne rentres pas avec elle après les cours. Mais aussi suffisamment à raison puisqu'une fois installé sur les gradins avec mon carnet de croquis, j'en sois à me retenir d'esquisser son visage du bout de mon criterium. J'effaçais à répétition de la longueur de cheveux, ou les colorait de stries serrées pour brunir le visage, mais mes modifications ne pouvaient pas me tromper moi-même. Au fond, je savais celle qui était représentée ici, et ça n'améliorait pas mon malaise.

Jusqu'à ce que la porte claque bruyamment, ouvrant le chemin à l'équipe de basket au complet, en maillot de compétition. Mes yeux suivirent instinctivement les silhouette musclées des joueurs et leur démarche assurée. Il n'y en avait pas un seul qui ne soit pas physiquement attractif, à un point où je questionnais intérieurement mon adhésion au club de volley-ball. Les deux plus âgés dégageaient un charisme qui, je dois l'avouer, me rappela avec une certaine violence mon attirance pour les garçons que je pensais quasiment exclusive jusqu'il y a peu.

Je profitais donc de leur échauffement pour gribouiller quelques dessins d'observation sur une nouvelle feuille de papier. Tracer la forme de leur muscles saillants étaient peut-être une forme de perversion de ma part, mais vraiment, qui aurait su résister? Ils étaient là, quasi immobiles, avec des tenues qui étaient basiquement là pour que je puisse travailler un dessin anatomique réaliste. Et ce n'était pas qu'une excuse pour les regarder avec attention. C'était en tout cas dans l'optique de me le prouver que je quittais le gymnase quand l'entraînement commença pour de bon. Ils allaient trop vite pour que je puisse prendre note de leur poses et l'heure filait à grand pas. Dix-huit heures passées, c'était peut-être le moment de rentrer. Même si je ne pu retenir un souffle rêveur en retournant à l'extérieur.

Ahhh, ces garçons sont juste trop parfaits, mais aussi définitivement pas à ma portée… Déprimant.

Il y avait quelqu'un. Juste-là. Juste devant moi, et je ne l'avais pas remarqué. La bouche légèrement entre-ouverte, j'essayais d'éveiller la mémoire de mes muscles pour savoir si j'avais vraiment formulé ma dernière phrase à voix haute. Je l'avais, hein? Mes yeux se plantèrent rapidement sur son visage, tâchant d'identifier le personnage. Définitivement pas un spé SO. Un hooman, donc. Merde. Ils ont tendance à se montrer plutôt homophobes, non? D'après les films, en tout cas, ça avait l'air de se présenter comme ça. Mais avait-il entendu? Je veux dire, probablement, vu que j'avais littéralement dit ça face à lui, à 60 centimètres de lui à tout casser, mais, qui sait?

Visiblement, oui, non? Je veux dire, il avait tellement vite détourné le regard pour faire semblant de son livre à peine sorti qu'il n'y avait pas franchement de doute à avoir. Et il avait l'air super mal à l'aise. Définitivement un qui n'acceptait pas l'homosexualité. Je commençais à paniquer. Il avait peut-être pas le gabarit pour m'attaquer, mais s'il en parlait dans toute l'école? Je veux dire, ok, j'assume, mais vraiment, j'ai pas forcément envie que mon orientation sexuelle soit rendue publique. Déjà parce que les humains ont définitivement pas l'acceptation qu'on a, nous, les sorciers pour ça, mais aussi parce que j'ai pas envie d'en parler à tout le monde. Y a assez de trucs qui se passent dans ma vie sentimentale pour pas qu'on m'y ajoute une étiquette.

Ahah, oui? Tu? Tu veux aller les voir jouer?

Il fallait dire quelque chose, là, non? Il avait littéralement commencé à parler, alors je ne pouvais pas rester silencieux et m'en aller. Puis il y avait peut-être encore moyen de s'échapper de cette situation cauchemardesque.

Je veux dire, tu sais, il sont vraiment parfait quand il s'agit de tirer! J'arrive déjà pas à viser quand il s'agit de mettre un papier dans une corbeille alors leur niveau, c'est vraiment autre chose, hein? Hahaha.

Mon expression et l'hésitation dans ma voix crient définitivement "MENSONGE", je le sais. J'ai jamais su mentir, et je ne pense pas que je puisse apprendre à le faire un de ces jours. C'est juste plus fort que moi, de perdre toute confiance et naturel dès que je tente de masquer la vérité.

Je vais devoir m'en tenir à l'équipe de volley, hein. Ca reste dans mes cordes, à peu près. Tant pis pour mes rêves de basketteur, hein?

Ca prend visiblement pas, parce qu'on est maintenant au moins aussi mal à l'aise l'un que l'autre. J'ai l'impression qu'on s'est accidentellement lancé dans un enchaînement de parler juste pour enterrer la gênance, et ça ne fonctionne pas vraiment. Putain, si j'avais su gardé ma bouche fermée, aussi. Pourquoi je parle? Pourquoi j'existe. Non parce que sérieusement, là, maintenant, j'aurai préféré disparaître.

Dans les faits, je pourrais, et plus qu'autre chose, j'avais peur de me liquéfier devant ses yeux au sens premier du terme. Je sentais déjà que les quelques gouttes de transpiration qui me coulaient sur le front emportaient quelques cellules de peau qui passaient à l'état liquide dans sa traînée. Si la situation ne s'améliorait pas, j'allais finir en grosse flaque sur le sol.

Il mentionnait quelques ballons qu'il s'était prit, et de la musculature des joueurs. Ca avait dû faire mal, mais vraiment, je ne pouvais pas vraiment m’apitoyer sur son sort. Pas que j'envie le traitement qu'il avait reçu, mais je ne pouvais me résigner au fait de trouver le moindre inconvénient à leur stature sans défaut. Ce genre de silhouette sportive comme la leur, c'était juste trop pour moi.

Enfin j-je veux dire... t'es musc-musclé au-aussi hein ! N'abandonne pas te-tes rê-rêves... Ce serait bê-bête... Pis, t'es mignon!...

Ma mâchoire se serre une seconde, tandis que mon regard passe de l'évitement maladive à la fixation tendue. Quoi? Il a dit quoi? Hein? Il dit littéralement à voix haute la confusion qui me passe par l'esprit. Est-ce qu'il?? Flirt?? Ou je rêve?

Ok, Balthazar, reste calme. T'as peut-être juste mal compris. Y a quoi comme mot qui ressemble à mignon? Oignon? Moignon? Quignon? Grognon? Chignon? Brugnon? Ca n'a aucun sens. Ca n'a aucun putain de sens, bordel. Mes joues rougissent à vue d'oeil, et surtout je sens la température de mon visage monter, ce qui est rarement un bon signe puisque la température à tendance à accélérer ma liquéfaction. Dans le doute, je couvre mon visage rosie par la gêne pour en vérifier l'humidité. Ca a l'air d'aller.

Euh, hm... merci... euh... Comment tu t'appelles, déjà?

Est-ce que c'est malpoli? Est-ce que c'est trop poli? J'en sais rien? Clairement, mes compétences en flirts sont quelque chose comme plus bas que terre, et j'ai pas la moindre idée de comment réagir. Est-ce que je veux vraiment réagir même? Si je le fais, c'est que je suis intéressé, ou volontairement trompeur dans mes intentions? Ca serait horrible de ma part, mais en même temps... Ca serait peut-être le moment idéal pour essayer d'oublier tout ce bordel avec Delia. Parce que je ne veux pas briser notre amitié. Et parce que si jamais ça n'allait pas entre nous, plus que quiconque, je ne voudrais pas être celui qui la blesse.

Il se présenta simplement comme étant Ayden Blackwell, avec un petit bégaiement que je ne pu vraiment lui reprocher. Nous étions l'un comme l'autre trop gênés pour même les remarquer jusqu'à présent, et j'imaginais que j'avais dû également doubler quelques syllabes sans m'en rendre compte.

Enchanté. Hmm.

Pas le temps de douter maladroitement sur mon nom et sur ma façon de l'annoncer, puisque le jeune homme semblait déjà savoir à qui il avait à faire. Ma surprise due s’apercevoir sur mes traits, comme souvent, alors je me contenter d'hocher gauchement la tête, apportant quelques précision à mi-mots.

Balthazar Bizarre, hm. En 11ème SO.

Le jeune homme m'interroge alors sur le volley, disant qu'il aimerait bien me voir jouer. C'est un peu embarrassant, en vrai. Je ne sais pas vraiment quoi lui dire. L'inviter à l'entraînement? La honte un peu, non? Enfin, c'est pas comme s'il y avait du monde qui venait d'habitude alors ça risquait de se voir. Après, j'étais bien en train de regarder l'équipe de basket sans qu'il ne ça soit rien passé alors pourquoi pas, au final? Ahhh, je ne savais vraiment pas quoi lui dire.

Je pouvais toujours lui proposer de faire une partie. Si tant est qu'il sache en faire à vrai dire. Et c'était pas un peu tendancieux? Au final, c'était un peu lui proposer un date, non? La panique. Si je me lançais là-dedans, c'était un pas de plus dans une pente pas très sympathique pour le blond. Après, ça pouvait aussi être une simple proposition entre pote. Et s'il interprétait ça différemment, je pourrais toujours faire comme si ce n'était pas mon intention. Ah, que je détestais avoir ce genre de pensées. On m'avait éduquer à être une meilleure personne que ça. Mais fallait voir où ça m'avait mené : absolument nul part. Puis qui dit qu'on a besoin de sentiments pour un simple rendez-vous, au pire? C'est peut-être l'occasion de faire connaissance, hein? C'est pas forcément de la manipulation.

Hm, bah, on pourrait faire une partie si tu veux? Enfin, en 1v1, c'est plus des passes qu'autre chose ahaha... Mais si ça t'intéresse quand même... Juste pas mercredi parce que j'ai entraînement le soir jusqu'à tard, et samedi j'ai le club de judo le matin, mais si t'es dispo un autre jour... Je sais pas... on pourrait se faire ça?

Bien. C'est officiel. Je ne sais pas proposer une sortie à quelqu'un. Dix-sept ans, et toujours aucune aptitude pour n'espérer ne serais-ce qu'un rencard.

Oui. Il a dit oui. Ok. Reste calme. C'est pas très grave, c'est juste qu'il y a plus moyen de faire marche arrière poliment. Si vraiment ça va pas, si je culpabilise trop d'ici qu'on se voit, je pourrai toujours annuler, au pire. C'est pas si grave. Juste, faudrait que j'ai son numéro pour ça. Derrière mon sourire un peu figé, j'étais en train de crier à l'intérieur. Mon plan de secours c'était sérieusement de lui demander son numéro. Damn, j'avais jamais été aussi entreprenant. Tout du moins, sans l'aide d'u philtre d'amour mélangé à ma soupe annuelle de Mabon.

C'était un peu étrange, cette situation. Je me sentais tout aussi gêné que quand je discutais avec Delia pendant le bal, mais au fond, c'était un tout autre sentiment que je ressentais en la présence d'Ayden. Évidement, après tout. Le philtre faisait ressentir l'Amour, le vrai, le grand, et il n'y avait aucune raison que je ressente ça pour un gars que je venais de rencontrer. Mais cette gêne et ce petit pincement au coeur satisfaisant, est-ce que c'était ça qui poussait les gens au flirt? Chaque bouffée d'oxygène semblait gonfler un peu plus fort mes poumons, et remplir un peu plus mon coeur.

S-si tu veux, même si je doute qu'il y a ait grand chose à apprendre de quelques passes, du coup.

Ca risquait, d'autant plus, d'être un peu gênant. Je me voyais déjà me tenant derrière lui, accompagnant le mouvement de ses mains sous le ballon, et c'était pas une bonne idée. Bref, c'était le moment. Le moment de faire ce truc, maintenant. Une main dans la poche arrière de mon pantalon, j'attrapais mon téléphone d'une manière se voulant casuelle, mais qui dans les faits, était tout de même tout en raideur.

Du coup, quand t'es dispo, tu peux m'envoyer un message. Genre, ça sera plus simple que de se chercher dans les couloirs, j'imagine? Je te passe mon numéro?

Mes doigts tapotaient nerveusement sur l'écran de mon smartphone à la recherche de ma propre fiche de contacte pour lui montrer plutôt que d'avoir à lui épeler la suite de chiffres. Histoire de pas se planter à force de bégayer...

Tu peux- hm- m'envoyer un truc random à l'occasion? Que je t'ajoutes aussi?  

Le regard fuyard, les ongles pianotant régulièrement sur la coque malléable de mon samsung, je me rendais compte que j'appréciais un peu trop ce petit jeu de question risquée et de l'appréhension de la réponse qui en suivait. Jouer avec un hooman, avec qui je savais pertinemment que les choses n'iraient jamais nul part n'aurait pourtant jamais dû être quelque chose auquel je prenais plaisir. Et pourtant, il semblait que je ne soit, finalement, pas une si bonne personne que ce que je le pensais.

Ses doigts s'activent rapidement sur son téléphone, et le miens vibre entre mes doigts crispés. La fin d'une certaine appréhension. Il avait pas l'air de l'avoir mal prit. D'une certaine manière, ça me rassure, mais ça me surprend aussi. Ca me vient plus naturellement que ce que je l'aurai pensé. Récupérer un numéro, proposer un rendez-vous, peut-être même entamer une conversation que je continuerais discrètement pendant le repas, mon mobile sous la table, puis sur mon oreiller avant d'aller dormir. Etrange sensation que d'attendre avec tant d'anticipation un tel échange.

L'écran s'allume, une notification apparaît sur mon écran. Une suite de chiffre inconnus à côté de l'icône vert des SMS. D'un mouvement rapide, je déverrouille l'appareil pour en lire le contenu. Un emoji. Un putain d'émoji AUBERGINE. OK. Ca va peut-être un peu trop vite. Un peu trop loin. Mes iris se lève rapidement pour lancer un regard interrogatif au jeune homme qui, d'un ton penaud, m'informe qu'il s'agit de son plat préféré.

Ah... ok?

Je détourne les yeux, confus, me demandant sérieusement s'il a sérieusement envoyé pour cette raison, s'il est vraiment trop pur, s'il a paniqué, ou s'il n'assume juste plus son action. Dans tous les cas, je ne suis pas certain de savoir quoi en penser. Mieux vaut donc passer à autre chose.

Mes ongles cliquent quelques fois à leur tours sur l'interface de messagerie, et je joint à un selfie prit en entraînement de volley un emoji pancakes. Histoire de rester dans le thème.

Mon plat préféré, et une photo pour m'ajouter à tes contacts.

Expliquais-je avec un petit sourire en coin. J'étais pas certain de ce que je faisais, mais ça avait l'air de pas être trop déconnant pour une fois, et je ne savais pas trop ce que ça voulait dire pour moi. Est-ce que j'avais vraiment envie de jouer au même jeu avec Delia? Est-ce que je le pouvais, au moins? Car vraiment, même si j'avais pris conscience de ressentir quelque chose de différent pour elle depuis quelques mois, je n'étais pas tout à fait certain qu'une relation, une vraie, soit vraiment quelque chose qui fonctionne entre nous. Parce que toute cette comédie, aussi plaisante soit-elle à vivre, paraîtrait tellement déplacée avec notre vécu. Comme s'il était à présent impossible de sortir de cette amitié que nous avions construit. Et à côté de ça, je savais qu'elle comptais bien plus que ce petit jeu auquel je jouais avec le garçon aux cheveux blancs. Mais la distraction qu'il était m'éviter de me poser toutes ces questions auxquelles je n'avais pas de réponse, et ne voulais pas vraiment en avoir.

Hésites pas, même si c'est pas pour le volley. Je mors pas.

Ajoutais-je en pointant le téléphone avec un sourire enthousiaste.

Les choses semblaient devenir plus naturelles, plus spontanées entre nous. Je crois qu'aucun de nous deux d'avait bégayé pendant au moins trois interactions, et c'était probablement un record. J'aurai dû entre prendre le compte plus tôt. C'était peut-être le moment de remettre cette conversation au monde virtuel. D'un bref coup d'oeil, je regardais l'heure. Six heures trente. J'allais pas tarder à devoir rentrer si je ne voulais pas me faire engueuler par Dante. Enfin, au pire, je pourrais toujours rentrer par la fenêtre, et prétendre être là depuis vingt minutes. Faire comme s'il ne m'avait pas entendu.

Pourtant, notre échange reprit soudain une autre tournure. Une qui teint mes joues d'un rouge vif, et manqua de m'étouffer une seconde. Au début, je voulais juste m'enthousiasmer sur notre centre d'intérêt commun. J'allais sortir mon carnet de croquis, et m'exclamer avec le sourire aux lèvres que je dessinais, à mon humble niveau, moi aussi. Mais ce qu'il dit par la suite me coupe tout simplement le souffle. Bouche bée, les yeux dans le vide, je ne savais juste pas quoi ni comment répondre.

ah... euh... Je sais pas quel genre de magazine tu lis mais... Haha... Je pense que j'en ai des meilleurs à te recommander alors... Enfin dans le sens... tu sais... avec des meilleurs... Bref-

Y avait pas de façon de bien terminer cette phrase dans tous les cas, autant couper court à l'embarras. Mais il devenais difficile de prendre la fuite sans que ça ait l'air d'un gros stop. Et qu'importe à quel point j'étais mortifié à cet instant, j'avais pas envie qu'il pense ça.

Si tu veux des bons m-models cela dit, le-le club de basket est v-vraiment au top. A-avec leur maillot, c-c'est vraiment pratique pour, tu sais, l'anatomie. R-regarde.

Mon regard se déplaça de mes baskets à mon sac messager pour en extraire mon carnet de dessin, toujours ouvert à la dernière page. Dessus y étaient gribouillé quelques sihouettes qui n'étaient peut-être pas mes meilleures, mais me satisfaisait plutôt donné mon niveau.

Ils sont- tu sais, canon, et ils bougent pas trop pendant l'échauffement en vrai, c'est pratique pour croquer. C-c'est ce que je faisais, à vrai dire.

Aveu un peu honteux, mais sûrement moins que de faire face à sa proposition, surtout formulée avec les mots qu'il avait utilisé. J'étais peut-être un lâche, mais au moins, d'une manière ou d'une autre, ça n'avait pas gâché l'opportunité qui se dessinait. Qui saurait parti, après tout? C'était tellement agréable, tellement flatteur, de se sentir apprécié de cette façon. Et c'était un peu une première, avec un partenaire à son état naturel. Ou l'était-il? Mabon avait vraiment fini par me rendre un peu trop parano, il faut croire.

Je prends le compliment avec un sourire discret que je cache derrière ma main gauche, mimant un frottement de nez. Entre mes lèvres, un bref "merci", un rapide "mais non-" et quelques mots incompréhensibles se forment et disparaissent dans l'ambiance ridiculement mielleuse qui s'était installée. On était de retour au doublement de syllabe, à chercher nos mots ou des excuses. On se remettait à tourner sept fois notre langue dans nos bouches avant de parler, et j'espérais que nous n'en restions pas à ce stade à jamais.

Le carnet de croquis d'Ayden délia, pour moi en tout cas, un peu de ce blocage. Comme je l'avais imaginé, sa remarque sur ses propres dessins n'avait pas lieux d'être. Le décor qu'il me présenta était d'un réalisme inégalable, et le décor choisi était d'une esthétique incroyable, me faisant un instant demande s'il s'agissait d'un dessin d'observation ou d'une création du jeune homme, jusqu'à ce qu'il termine sa présentation.

C'est super beau? C'est plutôt moi qui devrais dire que je sais pas dessiner à côté.

La façade de la demeure qu'il a illustré, en la regardant de plus près, a une allure familière, dans sa grandeur. Ce qui fait sens, quand on vient d'apprendre que c'est l'endroit où il vit. Plutôt un bel endroit, mais j'étais assez peu impressionnable sur le sujet, avec la maison des chefs de familles Williams et Bizarre que j'avais longtemps côtoyé dès mon plus jeune âge. Pourtant, Ayden semble, lui, ultimement mal à l'aise.

Tu dois vivre dans un très bel endroit. L'architecture est impressionnante. Je comprend que t'ai pas besoin de modèles sur papier pour faire ce que tu fais.

Je tourne quelques pages de mon carnet, cherchant une autre page qui puisse étendre un peu cette conversation, mais en ce qui concerne les décors, j'ai définitivement pas le niveau pour être comparé à ce que fait l'autre étudiant. Ma perspective est un peu foireuse par endroit, et malgré la patience que je peux mettre dans ce type d'illustration, les détails me semblent toujours comme des pièces rapportées mal intégrées à leur environnement.

C'est tout ce que je peux faire en terme de décor haha... C'est censé être ma chambre, à vrai dire, mais on pourrait prendre ça pour une véranda avec toutes ces plantes je crois... Faudrait que j'arrête d'en acheter compulsivement hmm-

Le croquis serait en effet assez vert si j'avais prit la peine de le colorer, mais malgré ma dernière phrase, je savais qu'elle continuerait de verdir. Les fougères sur mes murs et cactus sur mes chevets, jusqu'au pot d'aloe dans le grand pot au coin de la pièce, je ne m'imaginais pas sans. Mais c'était peut-être un peu trop bizarre pour un hooman qui n'avait clairement pas l'usage des plantes que j'avais...

Quand il complimenta ma chambre, je me dis qu'il était peut-être un peu trop farouche de l'y inviter, d'autant que je n'aurais probablement pas tenu le stress d'avoir osé prononcer ces mots. Pas comme si j'allais faire quelque chose non plus, tu vas me dire. Au travers de ses dessins, il me montre sa chambre dont le style définitivement plus sophistiqué et mature contrastait avec sa personnalité douce et innocente.

C'est super... fancy ?

C'était les seuls mots qui me venaient à la bouche, mais je n'aurai pas eu le temps d'en dire plus. Quelques gouttes étaient tombées sur le papier, et elles ne tardèrent pas à se multiplier. Une nouvelle averse, probablement, et au vu de celles qu'on avait déjà subi aujourd'hui celle-ci risquait d'être assez forte. Rapidement, j'ouvrais mon sac en bandoulière pour en sortir un cardigan et une écharpe que j'enfilais une fois sous le parapluie d'Ayden. Bien emmitouflé dans la laine bleue et crème je cachais mes mains dans les poches de mon jean, ne sachant pas trop où me mettre pour respecter une distance décente sans me retrouver sous la pluie.

Je vais peut-être y aller, histoire qu'on se prenne pas le déluge. Mais on peut remettre ça bientôt, hm?

Avec un sourire discret, je remontais l'écharpe pour qu'elle couvre mes cheveux, ou tout du moins pour qu'elle le fasse jusqu'au prochain coin de rue, d'où je pourrais terminer ma course jusqu'à chez moi en vapeur d'eau. Rien de plus efficace pour éviter la pluie que d'en faire moi-même partie, il faut dire.

Tu ne devrais pas tarder, sinon tu vas tomber malade. Qui sais, tu es un peu rouge, tu as peut-être déjà un début de fièvre?

Ca. Ca là. Ce n'était définitivement pas nécessaire, mais j'avais envie, juste une seconde, de jouer le gars un peu assuré après tous les cafouillages de notre discussion. Petit rictus amusé qui se dessine sur le bas de mon visage, et je fais un pas en dehors de son abri.

Un simple signe de main pour lui dire au revoir, et je pars au pas de course, mes pieds plongeant à grand pas dans les flaques déjà larges qui s'étaient formées dans la cours de l'école. C'était une après-midi inattendue, mais qu'on pouvait pour le moins qualifier de pas déplaisante. Un petit bonheur que, pour une fois, je me sentais obligé de garder pour moi, et moi seulement. Je n'allais vraissemblablement pas en parler à Delia, ça serait étrange de lancer cette conversation avec Eugénie, et il ne faisait pas le moindre doute qu'Olivia ne me croirait pas dans le meilleur des cas, ou se foutrait à nouveau ouvertement de ma gueule. Ca faisait bien longtemps que je n'avais pas eu un secret rien qu'entre Maboi et moi.