acte un, scène deux.❞ (amara)

acte un, scène deux

Make a wish.
Yes, you.
I know something now I didn't before.

☾☾ Honnêtement, tu te serais bien passée de ce genre de mission. Ce n'était pas le fait d'être de surveillance – en l’occurrence ça faisait partie du job de flic – mais plutôt de te retrouver à cet endroit, dissimulée tant bien que mal par les différents voiles qui décoraient la salle, en plein bal de Mabon. Jusqu'ici, tu étais parvenue à fuir le coven et ses représentants avec plus ou moins de succès ; ce n'était pas particulièrement difficile étant donné que tu consacrais l'essentiel de ton temps à ton travail. Cependant, voilà que tu participais à la fête de l'équinoxe, un des événements que les sorciers ne manquaient pour rien au monde, encore moins dans une ville comme Revelstoke. En outre, ce genre de manifestation réunissant autant de monde te mettait mal-à-l'aise. Il y avait beaucoup trop de sollicitations (auditives, magiques, émotionnelles) et ta perméabilité à ce type de sensation ne faisait que renforcer cette manière que tu avais d'être sur la défensive. En d'autres mots, tu avais hâte que tout ce cirque se termine.

Tu appuyas nonchalamment ton épaule contre un pilier, contemplant d'un regard morne la salle se remplir petit à petit. L'heure était à la fête et l'enthousiasme de tout à chacun était plus que palpable. Certains commençaient à danser, d'autres discutaient bruyamment et la majorité restante allait se servir un verre de la traditionnelle soupe, comme s'il s'agissait de la boisson du siècle. Tu te renfrognas encore un peu plus dans ton coin sombre.

Pour l'occasion, tu avais sortie de ton placard une de ces robes magnifiques que tu collectionnais mais que tu n'enfilais que trop rarement. Celle-ci était d'un violet profond, entre le prune et le pourpre. Le décolleté en v était assez profond pour laisser voir la peau laiteuse de ta poitrine. Elle était cintrée à la taille et s'ouvrait au niveau des côtes en se découpant en deux lanières distinctes. Le bas s'évasait avec élégance, laissant apparaître en toute subtilité tes jambes lorsque tu marchais. Tu étais très peu maquillée ; un peu de rose sur ta bouche et de noir sur tes yeux pour rehausser le tout. Pour parachever l'ensemble, tu avais enfilé des escarpins nudes et tu avais détaché la masse sombre de tes cheveux pour que ceux-ci tombent négligemment sur tes épaules. Tu étais peut-être loin d'être ravie d'être là, mais au moins tu rentabilisais ton effarant et coûteux dressing.

Toujours aussi furtive et discrète (enfin le croyais tu), tu n'avais pas quitté ton poste d'observation lorsque tes yeux noirs rencontrèrent ceux si lumineux de Cooper. Ce-dernier se dirigea droit sur toi, le sourire aux lèvres. Tu en vins à penser que cet homme était un attentat à lui tout seul lorsque tu le détaillas. Bien sûr, tu n'en laissas rien paraître, dardant sur lui un regard désinvolte. Il te salua et te demanda si tu passais une bonne soirée. Pour toute réponse, tu croisas les bras sur ta poitrine et tu haussas les sourcils de manière équivoque. Il ne devait sûrement pas avoir oublié ton absence total d'entrain lorsqu'il avait annoncé ceux qui seraient de corvée de surveillance ce soir là. Tu t'apprêtais à lui rétorquer quelque chose, très probablement un sarcasme, lorsqu'il te prit de court en te proposant d'aller boire un verre. Ça avait était proposé avec tellement de naturel que ni lui ni toi ne vous y attendiez. Un silence de quelques secondes s'installa avant qu'il ne reformula sa proposition, la ponctuant d'un clin d’œil exagéré. A chaque fois que vous vous retrouviez tous les deux, tu ne savais plus sur quel pied danser avec lui.  

Tu réalisas que tu n'avais pas encore dit un seul mot depuis son arrivée. Tu hésitas une seconde, le dévisageant un instant lui, puis le chemin qu'il y avait à parcourir de ta 'cachette pas si subtile que ça' au saladier de soupe. Finalement, tu haussas les épaules, lui attrapant d'office le bras de ta main droite et soulevant un pan de ta robe avec celle de gauche.

« J'accepte, mais c'est parce que vous me le demandez. »

D'une mauvaise foi que tu qualifiais d'exquise, tu ajoutas :

« D'aussi loin que je m'en souvienne, cette soupe est infecte. »

Tu l’entraînas dans ton sillage, sans autre forme de procès. Arrivée à bon port, tu lui lâchas le bras, réalisant que tu t'étais peut-être montrée un peu trop familière. Tu pris bien soin de ne pas le regarder pendant que vous faisiez la queue. Parce que oui, à  Revelstoke, la soupe de courge est apparemment une institution à laquelle il faut absolument goûter. Tristesse et consternation.

Tandis qu'on te tendait un verre comme si c'était le dernier grand crû de l'année, tu fus secouée d'un frisson que tu mis sur le compte du froid automnale et de la fatigue. A la première gorgée, cela ne te sembla pas si terrible – dans tes souvenirs, la mixture ne te paraissais pas aussi sucrée mais bon. Du coup, tu avalas le reste d'une traite, te tournant vers Cooper.


A ce moment précis, une drôle de chaleur sembla affluer dans tes veines et colora tes joues d'habitude si pâles.

Ça débuta ainsi, comme un verre de trop, celui qu'on regrette et qui nous monte le cœur aux bords des lèvres.  

acte un, scène deux

Make a wish.
Yes, you.
I know something now I didn't before.

☾☾ La sensation était étrange. Tu étais passée d'un léger engourdissement à un flou total. Ça n'avait duré que quelques instants mais assez pour que tu te sentes hors de toi même. Ça n'avait rien à voir avec un vertige, c'était plutôt similaire au plaisir tordu qu'on ressent lorsque l'alcool commence doucement à nous désinhiber. C'était plus fort que toute la raison du monde et ça te faisait peur.

Mais surtout, ô oui surtout, tu n'avais jamais eu autant conscience de la présence de Cooper à tes côtés. Il semblait dégager une chaleur intense alors que tu étais transie de froid. La salle avait beau être immense et les participants nombreux ; lui seul occupait tout l'espace et le champ de ton regard. Il n'y avait de place que pour lui. Cette évidence prenait une telle importance que tu t’embarrassais toi-même de ressentir pareil sentiment.

A ce moment précis, si tu avais était dans ton état normal, tu aurais esquissé un mouvement de recul, mal à l'aise face à ce débordement inhabituel. Cependant, tu étais incapable de bouger, comme si tous tes prochains gestes étaient suspendus à ceux que feraient Cooper. Jusqu'à lors, tu étais parvenue à fuir ses yeux clairs, mais le peu de volonté qu'il te restait sembla s'évanouir lorsqu'il reprit la parole. Tu sentis plus que tu ne le vis le regard qu'il posa sur toi avant de t'inviter à danser. Lui aussi paraissait en proie avec lui-même. Pourtant, ses doigts vinrent tout de même effleurer les tiens et tu fus perdue.

Quand vos regards s'attrapèrent et ne se lâchèrent plus, tu compris enfin : vous n'étiez que désir l'un pour l'autre.

Ta main s'accrocha à la sienne comme l'aurait fait un naufragé avec une bouée. Jamais encore tu ne t'étais sentie si dépendante d'autrui. Tu avais l'impression que s'il te lâchait, que si le contact entre vos deux épidermes était rompu, tu t'écroulerais sans autre forme de procès. Ta fierté semblait s'être enfuie au loin et ta réserve avait tout bonnement disparue. Toi si méfiante, toi si froide, toi si peu disposée au lâcher-prise, tu n'étais que poupée de chiffon entre ses bras. Tu n'entendais même pas la musique sur laquelle vous dansiez et tu ignorais totalement comment vos corps parvenaient à s'harmoniser ainsi.


Les mots te manquaient tout comme la logique dont tu faisais habituellement preuve. Tu ne parvenais pas à retrouver ton sang froid ou au moins, un minimum de contenance qui te sauverait de cette situation. Où était donc passée l’implacable caporal Avalon ? Où se trouvait la femme qui avait fermé la porte à tous sentiments personnels ? C'était comme avoir quinze ans de nouveau, bien avant que la magie et que tous les autres deviennent un poids. Bien avant que tu n'aies fermé ton cœur à toute tentative d'intrusion. Cette vulnérabilité t'effrayait vivement et cela malgré l'attraction que tu ressentais. Néanmoins, cette dernière était la plus forte et tu souhaitais continuer à vivre cela encore et encore.

Tu ne te reconnaissais plus. C'était peut-être ça le pire.

Bien sur, Cooper était attirant. Dès votre première rencontre, cet homme avait eu un impact sur toi. Il était bel homme et il dégageait une aura si singulière, si propre à lui. Il était efficace, bienveillant et drôle et si tu devais être honnête avec toi même, il t'inspirait autant de tendresse que de mélancolie. Cooper était un aimant ; il attirait les autres vers lui avec un naturel désarmant. Il avait beau être parfois entouré d'un épais brouillard, il restait d'une aveuglante lumière. Mais Cooper avait une fille, sûrement une femme aimée allant avec et une vie heureuse qui le comblait assez pour faire de lui l'homme qu'il était. Tu n'avais pas ta place dans un décor comme celui là, encore moins auprès d'un être tel que lui. En riant à moitié, sous l'emprise d'un troisième verre bien corsé et sous le regard amusé de Jovannah, tu t'étais demandée comment une banshee - une créature viscéralement liée à la mort - pouvait donner autant l'envie de vivre. Ton amie avait haussé les sourcils et tu avais rapidement changé de sujet, sans donner de nom. Tu avais alors commandé un autre verre pour oublier cette pensée ridicule qui n'avait pas lieu d'être.

A cause de tout cela, tu prenais grand soin de ne pas te retrouver trop souvent seule avec lui. A certains moments, tu avais cru percevoir qu'il faisait de même mais tu n'en n'étais pas certaine. Quelques fois, lorsque vous étiez tous deux pris par votre travail, passant la nuit au bureau, vous vous croisiez parfois et dans vos regards s'exprimait alors tout une compréhension de l'autre. Cette impression d'avoir trouvé 'une personne pouvant comprendre' était éphémère et disparaissait dès que l'autre retournait à son train train. Cooper réveillait en toi des braises que tu croyais éteintes depuis très longtemps. C'est pourquoi, au lieu d'exprimer cela, tu lui témoignais un intérêt poli, comme le ferait tout subordonné envers son supérieur. Les personnes telles que toi ne goûtent pas à la lumière sans le regretter ensuite.

A cet instant, tous les sentiments et les émotions même fugaces, toutes les pensées et les non-dits, ressortaient dangereusement. Tu pouvais sentir qu'il n'y avait plus de barrière entre vous mais tu ne comprenais pas quand celle-ci s'était estompée. Il y avait quelque chose de calculé dans tout ça, amplifiant ta gêne. Mais l'envie, cette envie si intense, ça te paralysait totalement.

Ce fût avoué dans un murmure honteux et en te mordant les lèvres.
Amara Avalon n'était plus, il ne restait que la femme et le désir brûlant.